Ovide précurseur de Lovecraft

Publié le par L'Ombre

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Il n’est pas nécessaire de relire Démons et merveilles (quel titre mal traduit !) pour sentir un frisson d’étrangeté courir dans son dos ; Ovide y suffit amplement. Dans le livre XI des Métamorphoses, il décrit le Palais du Sommeil, enfoncé dans le creux d’une montagne, à l’abri du soleil, des chants des coqs et des cris des chiens :

at medio torus est ebeno sublimis in antro,
plumeus, atricolor, pullo velamine tectus,
quo cubat ipse deus membris languore solutis.
hunc circa passim varias imitantia formas
Somnia vana iacent totidem, quot messis aristas,
silva gerit frondes, eiectas litus harenas.

Ce que l’on rend à peu près ainsi en français :
Au fond s'élève un lit d'ébène fermé d'un rideau noir. Là, plongé dans un épais duvet, le dieu sans cesse repose ses membres languissants. Autour de lui, sous mille formes vaines, sont couchés des Songes, égaux en nombre aux épis des champs, aux feuilles des forêts, aux sables que la mer laisse sur le rivage. (trad. G.T. Villenave, Paris, 1806)

Mais je préfère de loin la version anglaise de Frank Justus Miller dans la Loeb Classical Library:
But in the cavern’s central space there is a high couch of ebony, downy-soft, black-hued, spread with a dusky coverlet. There lies the god himself, his limbs relaxed in languorous repose. Around him on all sides lie empty dream-shapes, mimicking many forms, many as ears of grain in harvest-time, as leaves upon the trees, as sands cast on the shore.

L’anglais rend bien mieux la langue synthétique d’Ovide. La description des songes couchés autour du Sommeil y prend un caractère concret. L’image emplit l’esprit du lecteur : ce dieu languissant, entouré de formes vides qui semblent grouiller autour de lui comme des insectes protéiformes, gagne une aura mystérieuse que le même dieu francisé n’a pas.

Publié dans Relus

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