Quel rôle pour les Lettres?

Publié le par L'Ombre

Dans sa colonne du New York Times, Stanley Fish (oui, l'auteur d'Is There a Text in this Class, dont je suis assez fan et qui démonte l'idée qu'un texte ait un sens unique sans tomber dans du Derrida) répond à un nouveau livre d'Anthony Kronman, Education’s End: Why Our Colleges and Universities Have Given Up on the Meaning of Life. Kronman défend passionnément l'enseignement des Lettres: selon lui, la lecture des chefs-d'oeuvres de l'humanité, des grands classiques, ferait de nous des hommes meilleurs, et nous inspirerait de hautes et nobles pensées. Comme le fait remarquer Stanley Fish, si tel était le cas, on trouverait les êtres les plus moraux, pleins d'abnégation et de gentillesse, dans les départements de Lettres des Universités - ce qui n'est évidemment pas vrai, comme tout étudiant de Lettres l'aura remarqué. Il n'y a aucun rôle pour l'enseignement des Lettres dans la société, selon Fish, qui a fait de la séparation des domaines académiques et politiques ou sociaux l'un de ses combats privilégiés.
Si je suis assez d'accord avec lui (étudier les Lettres sert avant tout à devenir prof de Lettres, sinon on perd pas mal de temps à se trouver une voie), j'ai quand même l'impression que l'étude de la littérature peut servir à améliorer l'esprit: en apprenant à décortiquer un texte, à analyser des arguments, à comprendre les mécanismes de la rhétorique, on peut espérer ne pas être dupe du genre de propagande qu'on nous sert en guise de messages politiques ces temps ci.propagande01.jpg
propagande02.jpg

Quelques résultats de la recherche /propagande/ sur google images; d'autres choses intéressantes à voir par vous-mêmes...

Publié dans Lus

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
Ou embrassons-les... C'est qu'on parle tout de même de langue. OK, je sors.
Répondre
A
A coups de pelle !
Répondre
L
C'est à peu près la réponse que j'aurais donné! Assommons les pauvres, disait Baudelaire. J'avais un projet de préface pour un roman qui expliquait substantiellement: "cher lecteur, tu es un imbécile, et je vais te mettre le nez dans la crotte pour que tu comprennes quelque chose". Mais c'était quand même très prétentieux!
F
Ma remarque sur la fixation était plus dirigée à Isabelle qu'à toi. Je crois que si tu ne cloturais pas ton message sur "ces temps-ci", on aurait sans doute pas évoqué Sarkozy. (Et bien sûr que la propagande n'est pas que politique, mais la politique n'est que propagande.)<br /> Sur ta dernière remarque ("quitte à offrir des armes linguistiques, autant en donner à tout le monde"), la seule question, c'est "comment"?
Répondre
F
C'est marrant cette fixation actuelle sur votre cher président. Comme si il n'y avait pas eu de propagande villepeniste, jospiniste, mitterandiste... Ton post est assez juste, l'ombre, mais quand tu dis "on peut espérer ne pas être dupe du genre de propagande qu'on nous sert en guise de messages politiques ces temps ci", et que tu choisis de finir sur "ces temps ci", tu donnes l'impression que c'est quelqure chose qui arrive maintenant ou qui revient après un absence ou qui est complètement nouveau. Pourtant, c'est totalement faux. Le discours politique, que ce soit celui de Allende ou de Miss Maggie, de Thiers ou de Trotsky est fondamentalement un discours de propagande. Ce qui se passe ici et maintenant n'est pas en cause - continuation d'une longue tradition qu'on remarque beaucoup plus que parce que le message vient de l'autre bord. D'ailleurs, les études de Lettres ont aussi une utilité que tu ne mentionnes pas: en permettant de comprendre l'art rhétorique, elles donnent les outils pour se transformer en excellent propagandiste, précisément.
Répondre
L
ah ah, mais qui a dit que je parlais d'un quelconque président? La propagande des facteurs n'est pas mieux! Et puis la propagande n'est pas seulement politique: je pensais aussi à toutes les idéologies véhiculées par diverses sources... Ce qui est incroyable, c'est que l'on croit encore que je parle de lui alors que je ne le fais pas - et ce qui est encore plus incroyable, c'est qu'il suffise que j'écrive lui pour que l'on sache parfaitement de qui l'on parle. Concernant ta dernière remarque, on retombe en fait toujours dans le vieux dilemme de Quintilien: si la rhétorique est un art du discours vide, elle permet tous les excès, d'où la nécessité de former des viri boni dicendi periti (allez, on peut se permettre un peu de pedantisme de temps en temps!), des hommes de bien qui sachent parler, parce que la rhétorique a elle seule n'assure pas la moralité.D'ailleurs je m'en fiche un peu, de la moralité: ce qui m'inquiète plus, c'est le pouvoir psychique: quitte à offrir des armes linguistiques, autant en donner à tout le monde.C'est de moins en moins clair, ce que je raconte, non?
I
je ne suis pas sûre que NS ait jamais lu un livre, si ce n'est peut- être les manuels du style "comment réussir quand on est petit, médiocre et manipulateur".
Répondre