Je respire Jarry
Pas beaucoup de messages, pour cause de thésardite aigüe. C’est comme la fièvre quarte, cela vous prend par vague, lorsque l’angoisse du calendrier (ah oui, nous sommes déjà en février, plus que trois mois !) vous saute à la gorge comme un virus affamé. En mode Jarry, tout est Jarry. Vous mangez, vous respirez Jarry, comme dit l’adage. Le pouls dans vos veines épelle un nom connu entre tous : « J ».. « A ».. « R ».. (je vous épargne le reste du pouls, vous serez bien capable de devinez le mot, vous devez regardez souvent la roue de la fortune, non ? et il ne s’agit pas de « jarret », ni de « jardin »). Et lorsque, épuisé par les travaux érudits, je sombre dans un sommeil sirupeux comme du caramel liquide, le père Ubu me poursuit dans mes rêves et asticote mes neurones ; je me réveille en sursaut en hurlant « la chandelle verte ! » (mon médecin affirme que ce n’est pas grave). J’ai été décervelé.
Voilà c’que c’est qu’d’aller s’prom’ner l’dimanche
Ru’ d’l’Échaudé pour voir décerveler,
Marcher l’Pinc’-Porc ou bien l’Démanch’-Commanche,
On part vivant et l’on revient tudé.
Mais j'essaye de me soigner avec des infusions de littérature contemporaine – à doses homéopathiques, mais c'est déjà ça. Je m'étais fait une bonne décoction de Chevillard dernièrement, avec Sans l'orang-outan. Ça va me changer les idées, me disais-je, me délectant déjà de l’humour métaphysique qui caractérise notre auteur. Las ! 90 pages plus loin, je déchantais comme les matins chagrins du communisme (10 euros à qui comprend cette image). 90 pages de prose pessimiste à faire passer Schopenhauer pour un gai-luron. Voilà mon esprit plus dégonflé qu’un soufflé servi à Labevue (mais si, le personnage dépressif dans Gaston, vous savez!). Heureusement, le ton change, et mes papilles littéraires apprécient une collection de paysages apocalyptiques très inventifs (rien de très gai toujours, mais j’oubli un instant qui vous savez). Me vient alors un soupçon : Chevillard n'a-t-il pas cherché à parodier (sérieusement, comme tout bon parodiste) la veine anti-utopique qui sévit dans la littérature contemporaine depuis Houellebecq et sa Possibilité d’une île de triste mémoire (pas qu'il l'ait inventé, non, mais il a donné l'occasion à des éditeurs en mal de nouveautés d'accepter comme un grand genre ce qui était auparavant cantonné aux collections de science-fiction; du sous Volodine, en quelque sorte) et qui a fait éclore comme des pets-de-loups une série de romans à la dernière rentrée littéraire ? La question est posée.